Je vous partage une citation prise d'une série de livres que mon fils et moi aimons bien:
– Je ne comprends pas.
– C’est normal, je remplace par des mots les expériences qu’il te faut vivre.
– C’est normal, je remplace par des mots les expériences qu’il te faut vivre.
(A comme Association, tome 8, Erik L'Homme, p. 92.)
Au final, ça ne donne rien... Alors pourquoi s'évertuer à expliquer et faire apprendre? Pour notre bonne conscience? Pour justifier notre emploi du temps? Pour plaire? À qui?
L'expérience montre que ce qu'on apprend aux jeunes et aux adultes, sur les sacrements en particulier, ne sert à rien. Ils ne comprennent pas plus, ils n'ont pas envie de continuer à se faire bourrer le crâne avec des informations qui ne collent en rien à leurs vies et dès que leur cheminement d'initiation est supposément terminé avec la confirmation, on ne les revoit plus.
Pour ma part, si mon souvenir est juste, j'ai commencé à aller à la messe pas mal à tous les dimanches à partir de l'âge de 5 ans. Alors quand j'ai fait ma première communion à 8 ans, je saisissais bien quand mon enseignante (ça se faisait à l'école dans ce temps-là), me disait que l'eucharistie était un repas, un rassemblement de la famille chrétienne, etc... Je le saisissais parce que j'avais environ 150 messes dans le corps! J'avais vu des gens rassemblés, j'avais vu des gens manger, j'étais salué, aimé, reconnu. Je me sentais "de la gang". Mes grands-parents, mes oncles, mes tantes, mes parents, mes frères plus tard, mes voisins et voisines, le curé, je pouvais nommer presque tout le monde présent à l'eucharistie du dimanche avec moi. Je les aimais et je me sentais aimé par eux et elles. Quand mon père a cessé de s'asseoir avec moi pour retourner passer la messe debout à l'arrière avec ses frères, beaux-frères et amis (et fumer dehors à l'homélie?!), j'ai continué à y aller, avec mes grands-parents puis seul avec un de mes frères. Dans ce temps-là, on m'expliquait ce qu'on voulait, j'étais intéressé à le savoir car je vivais un tas de choses qui m'intriguaient mais ne comprenais pas tout.
Maintenant, c'est autre chose.
Les jeunes qui font leur première communion n'ont pas d'expérience de l'eucharistie. Ils y sont allés deux ou trois fois pour des funérailles ou la première communion d'un frère plus vieux. C'est pas mal tout. Et je n'exagère pas. Quelques-uns y sont allés plus souvent, beaucoup d'autres y sont allés moins. Leur souvenir de ces rassemblements est très vague. Alors leur dire que l'eucharistie est un repas, un rassemblement de la famille chrétienne, une occasion de rencontre avec le Seigneur... Ils n'ont rien vécu de tout ça. Oui, ils ont vu des gens manger quelque chose, de loin, mais ça n'a aucun rapport avec leur expérience de ce qu'est un repas. Ils ont vu un rassemblement de personnes, mais dire que c'est la "famille chrétienne" qui se rassemblait équivaut à leur apprendre que quand on se rassemble un tas de personnes qui ne vivons rien ensemble pour célébrer un rite de passage de quelques personnes une fois de temps en temps, c'est ça la communauté chrétienne. Alors ils retiennent ça, veulent ça pour eux quand le temps sera venu, vont le vouloir à nouveau, peut-être, quand ils se marieront et voudront faire baptiser leurs enfants, expliqueront ça à leurs enfants et on aura perpétué la fausse image que l'Église c'est une compagnie qui organise de supers beaux rites de passage dans une super bâtisse au centre de notre village, pour pas trop cher. Elle a juste le défaut que pour chaque rite, elle a des exigences tannantes mais bon, on s'en accommode le temps que ça dure et on s'en balance quand nous avons eu ce que nous voulons...
Le paragraphe précédent est une caricature, mais pas tant que ça, malheureusement.
Pour rencontrer des parents et d'autres adultes depuis environ 25 ans en pastorale, j'ai acquis quelques convictions. L'une d'elle est qu'ils sont des croyants. Si vous pensez que ma description ci-haut est pessimiste, vous n'avez rien vu. Certains disent que les parents n'ont pas la foi. Je dis non. Ils n'ont pas une foi très développée théologiquement parlant,ni très liée aux rites liturgiques, mais leur vie est truffée de moments où ils se sont adressés à Dieu, au fond du baril, atterrés par la souffrance de leurs enfants, terrassés par la maladie, emportés dans les tourbillons d'épreuves inimaginables. Quand je vis une catéchèse sur la Bible et ses symboles avec eux, je vois les yeux s'illuminer, s'agrandir, pleurer quelques fois. Ils se rendent compte que l'Écriture parle d'eux, de leurs vies, de leurs relations avec ce Dieu qui est là et qui ne les a jamais lâchés même si les choses ne se sont pas passées à leurs goûts. Et ils Le rencontrent à nouveau à ce moment précis. Il y a bien des gens indifférents, mais la majorité des adultes que j'ai devant moi, parents ou non, sont des croyants.
Le problème est de notre bord, en grande partie.
C'est nous qui leur avons inculqué la notion que ce sont les sacrements qui sont importants à découvrir et à célébrer alors que c'est leur vie qui doit l'être, par le sacrement. C'est nous qui leur avons appris que l'Église est un OSBL parmi d'autres qui offre de bons services pas trop chers quand on en a besoin et seulement quand on en a besoin alors que c'est leur famille! Mais ils ne le savent même pas...
Il faut commencer par entrer en relation avec ces gens, parents ou non, jeunes et vieux. Ils faut les connaître, les aimer, nous émerveiller devant leurs vies incroyables et sacrées, et voir avec eux et elles quels pas nous pourrions faire ensemble. Nous n'en sortirons pas indemnes. Ces expériences vont nous bouleverser et nous changer nous aussi. Nous serons alors comme le Christ qui ne nous sauve pas du trou en se tenant sur le bord et en nous tendant la main, mais en venant dans le trou avec nous, en mourant sur nos croix avec nous.
Ça me fait penser au passage biblique dans lequel le disciple Philippe rencontre un Éthiopien eunuque (Ac 8, 27-39).
- Il commence par écouter l'Esprit et Lui obéir.
- Il voit et écoute ce que fait l'Éthiopien (il lit Isaïe).
- Il se joint à cette activité, écoute ce que lui lit l'Éthiopien, notamment ce qui l'intrigue, ce qui l'intéresse, ce qui le questionne.
- Il répond à cet intérêt, à sa question, par "la bonne nouvelle de Jésus" (verset 35).
- L'Éthiopien demande à recevoir le baptême lorsqu'ils passent près de l'eau.
- Philippe lui fait faire une profession de foi: "Si tu crois de tout ton coeur, cela est possible", "Je crois que Jésus Christ est le Fils de Dieu" (v. 37).
- Philippe descend avec lui dans l'eau et le baptise.
- Philippe est emporté ailleurs par l'Esprit.
- L'Éthiopien continue sa route, "joyeux" (v. 39).
Je retiens quelques points de cette péricope (extrait biblique):
- L'écoute de l'Esprit, le discernement.
- La rencontre de l'autre sur son terrain à lui.
- L'ouverture de l'Écriture sur ce qui intéresse l'autre (et non ce qui m'intéresse, moi).
- L'offre d'un sacrement quand il est désiré et que l'occasion s'y prête.
- La profession de foi, simple, réelle.
- Vivre le sacrement avec l'autre, me mouiller moi aussi.
- Aller ailleurs (je n'ai pas le monopole du cheminement de cette personne; nous nous retrouverons sûrement car nous sommes maintenant liés mais elle en rencontrera d'autres aussi, c'est l'Esprit qui a le monopole et qui s'assure de la suite de son cheminement, pas moi).
- L'autre poursuit sa vie dans la joie.
On pourrait faire toute une retraite sur cette péricope!
Merci Seigneur de nous partager ta mission. Donne-nous d'être à l'écoute de Ton Esprit. Aide-nous à nous laisser creuser l'intérieur et nous convertir pour que les gens et leurs vies soient au coeur de nos démarches et non nos thèmes, nos objectifs et nos dates. Donne-nous les ressources humaines dont nous avons cruellement besoin. Nous aussi, nous vivons des temps d'épreuves et nous ne voyons pas toujours clair, et nous avons tendance à nous réfugier dans nos sécurités. Nous avons peur de perdre nos "oignons d'Égypte" (Nb 11,5), même si c'est pour nous garder dans l'esclavage et le non-sens. Accompagne-nous, Seigneur, et aide-nous à être des accompagnateurs et des accompagnatrices, à vivre avec les gens, à les aimer comme ils sont, à nous émerveiller de leurs vies, à Te les présenter, à Te présenter à eux, à elles, tout doucement, selon l'angle qu'ils auront, peut-être, envie de connaître de Toi. Et donne-nous la force et l'audace de nous mouiller avec eux et de cheminer nous aussi, avec eux. Nous aussi nous serons tranformés.
Amen.
Denis
Bonne reflexion.
RépondreSupprimerMerci!
Luc