Depuis quelques semaines, on essaie de nous faire endosser une "charte des valeurs québécoises". Même si je suis tout à fait en accord avec une des idées maîtresses de cette charte, la neutralité de l'État, je suis plutôt en désaccord avec tout le reste. Je ne vois pas en quoi me faire servir par quelqu'un qui porte un foulard, une croix en pendentif ou des boudins aux tempes masquerait la neutralité de l'État, d'autant plus que la plupart des services me sont rendus par téléphone ou par internet, moyens par lesquels je ne vois même pas à qui je m'adresse.
J'entendais un reportage intéressant à Radio-Canada, hier. Le spécialiste interviewé, le professeur Frédéric Castel, disait que les traditionalistes musulmans étaient ceux dont les femmes portaient le voile long, par exemple le tchador noir, alors que les femmes musulmanes progressistes portaient le hijab, foulard court qui ne couvre que les cheveux, de toutes sortes de couleurs avec toutes sortes de motifs. Les traditionalistes musulmans, comme les traditionalistes catholiques, disent que la place de la femme est à la maison et non pas sur le marché du travail. On ne retrouve donc que très peu de femmes portant le tchador et les autres foulards longs sur le marché du travail. La charte exigeant que les employés de l'État ne portent pas de signes religieux ostentatoires ne les touchera donc pas vraiment car elles ne sont pas des employées de l'État.
Les traditionalistes luttent contre le hijab, ils le trouvent indécent. Le hijab est porté par certaines femmes progressistes. Si je comprends bien, ça ressemble à moi quand je porte ma croix sur une chaîne à mon cou. Je suis mal placé pour me juger moi-même mais je ne pense pas qu'on puisse me qualifier de traditionaliste. Remarquez que ça dépend de qui va porter ce jugement.
Les femmes portant le hijab, donc plutôt progressistes, sont scolarisées et présentes sur le marché du travail, notamment comme employées de l'État québécois. Si la charte est appliquée, elles seront directement touchées. N'est-ce pas ironique qu'on veuillent toucher les signes de domination masculine comme les longs foulards des traditionalistes, mais sans les toucher vu qu'elles sont absentes de la fonction publique québécoise, et qu'on va toucher directement celles qui portent librement un foulard court?
Supposément pour la libération de la femme, on va l'obliger à s'habiller comme d'autres vont le lui dicter. Les choix possibles seront tellement pauvres pour ces femmes qu'elles devront "préférer" cesser de travailler ou "préférer" cesser de porter leur voile, comme dans d'autres pays des filles "préfèrent" ne pas aller à l'école parce qu'elles "préfèrent" ne pas être aspergées d'acide... Quelle ironie!
Constatant cet état de fait, on pourrait croire que la charte manquerait sa cible. Je pense plutôt que le gouvernement Marois cherche habilement (i.e.: diviser pour régner) à en atteindre deux autres.
L'une de ces deux cibles véritables est celle de tenter de reléguer à la sphère privée ce tout ce qui concerne la religion. Ce ne sont pas que les foulards musulmans qui prendraient le bord avec cette charte, mais tout signe ostentatoire, y compris ceux des catholiques. En centrant l'attention sur certains signes religieux évoquant la domination masculine, le gouvernement veut influencer l'opinion publique et faire passer en douce sa nouvelle religion, la laïcité fermée.
L'autre but de cette charte est de faire avancer la souveraineté. Le premier ministre fédéral Stephen Harper a déjà fait savoir que son gouvernement contesterait la charte péquiste si elle était adoptée. Comme nous n'aimons pas trop Harper et son gouvernement, nous les Québécois et les Québécoises, nous pourrions être tentés de nous ranger du bord du PQ...
Bref, par sa charte, le PQ va manquer la cible dont tout le monde parle: aider les femmes dans leurs luttes féministes, mais il a de bonnes chances de toucher ses deux cibles véritables et non discutées en public: la laïcité fermée et la souveraineté.
Ne nous laissons pas berner! Prions et agissons!
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